Une petite visite

Comme tirée brusquement d'une rêverie. Pas dans mes habitudes avec Misto-kun, ça... Les yeux écarquillés, je sentis mon visage passer au rouge brique, puis au blanc immaculé, puis au bleu, puis au violet... Heureusement que j'étais de dos. Horita, elle, bien sûr, avait des sortes de petits sursauts et brillait d'un beau bleu cyan : en clair, elle était aussi explosée de rire que pouvait l'être une luciole... Merci, Horita... J'avais soudain l'impression de manquer d'air, de suffoquer... Déjà qu'il faisait chaud, et humide... Le rêve se transformait en cauchemar.
Mais non! Je dois juste reprendre mon souffle et... Me détendre. Je me retournais donc, avec un air neutre, impassible, presque détaché :
"-Misto-kun.
- Que fais-tu par ici? Tu as une mission?

Et "Bonjour, comment ça va", tu connais???

-Non. Je voulais te rendre visite. J'ai pas le droit?" Je marquai une pause. "Enfin, si déjà tu pouvais descendre de ton perchoir, ça pourrait mener à un semblant de politesse..."
Sans me quitter du regard, il descend de sa branche, puis s'approche. Il s'arrête, à un demi-mètre de moi :
"- Tu te souviens de notre marché pourtant, non?"

Oui, ça me rappelle vaguement quelque chose... Je devais avoir quelques amis avant de rentrer, c'est ça? Je rêve... C'est mon professeur, pas mon tuteur... Puis question social, il ne vaut pas mieux que moi.

"-... Il est respecté.
- Ah oui?
-... Oui.
- Cite-moi trois personnes.
-... D'abord, Mirajane...
- Qui est amie avec tout le monde. Bof."

Bon sang, je vais l'écarteler...

- Euh, une nouvelle aussi... Kira..."
Il hausse un sourcil désapprobateur, à tort. Il peut facilement vérifier !
- Euh, et...
Quelqu'un, vite!!! N'importe qui!!!!
- Euh, Shi RIN!!!
Grande surprise. Tu m'étonnes. Qu'est-ce que j'ai encore dit comme bêtise moi?? Y a plus qu'à espérer qu'il n'aille pas vérifier... Bon, en tout cas, la Myrtille, elle reste sans voix. Restant un peu frémissante sous le choc de mes propres paroles, j'attends le verdict comme un condamné attend l'arrivée du bourreau.

"- Avec... Shi? La brune au mauvais caractère...
-... Oui." répondis-je, haletante. D'un sourire gentiment moqueur, il répondit dans un rire mal caché :
- Qui se ressemble s'assemble, j'imagine!"

... Avant de recevoir un croche-pattes et tomber à terre. C'est bon, me voilà soulagée. C'est toujours le Misto-kun que je connais.

Nous parlâmes brièvement, donnant des nouvelles. Absorbée par notre discussion, je ne fis pas attention aux gros nuages noirs qui s'amassaient au-dessus de nous. Misto-kun ouvrit grand les yeux, avant de bondir sur moi, m'éloignant en quelques dixièmes de seconde de ma place initiale. J'entendis un "ATTENTION!!!" avant de basculer en arrière. Un grand flash m'éblouit, et un éclair tomba... là où j'étais à peine une seconde plus tôt. Un énorme bruit de tonnerre éleva nos corps d'une vingtaine de centimètres. Mes oreilles sifflèrent sur le coup.
Attendez... Nos corps??? Ah oui, du coup, il était tombé sur moi... Haletante, tremblante, sous le choc, je pris une trentaine de secondes pour me rendre compte de nos positions respectives. Je Il avait la tête tournée vers l'emplacement de l'éclair, visiblement soulagé et très surpris. Je parvins à murmurer :
"-Misto-kun... T'es... Lourd..."

En effet, il m'écrasait les poumons. Il se tourna vers moi, quelque peu agité, revenant d'une obscure pensée :

"- Ah, pardon.."

Avant de libérer ma pauvre respiration. Je toussai un peu avant de dire, la voix encore un peu tremblante :

"- Euh... Merci. Visiblement, je manque grandement de vigilance et de rapidité... Pourtant, je t'assure que je me suis améliorée..."

Attendez, ça ne ressemblait pas à des excuses, là? Non, c'est pas ça... Je tentai de me calmer, en vain. J'ai toujours détesté l'orage. Une de mes peurs d'enfant à demi-refoulées. Une main gantée se plaça devant moi. Je regardai au-dessus. Misto-kun esquissait un sourire rassurant, ayant l'air de dire "Pas la peine de sortir le vocabulaire de combat, va" et diminuait aussi, petit-à-petit, mes tremblements. Je pris la main, et me relevai, avant d'épousseter mes vêtements, lorsqu'une goutte rafraîchissante me tomba sur le bout du nez. Et mince... Sans un mot, nous courûmes ensemble sur le sentier, vers mon ex-foyer.
Je ressentis une espèce de chaleur agréable à la poitrine, chaleur que je n'avais pas ressenti depuis... Que j'avais débarqué à Fairy Tail.

"-On y est."

Oui, en effet, on y était. Je dévisageai la petite maison en bois avec un sourire bienveillant. Elle me rappelait bon nombre d'excellents souvenirs. Des heures de rire, de complicité, de gentillesse... Puis ouvris la porte de bois trempé.
La pièce principale était aussi en bazar que la première fois que je l'avais vue. Exaspérée, je me tournai vers misto-kun, l'air renfrogné, une veine saillante à la tempe :

"-Misto-kun...
- Je ne savais pas que tu venais!!" protesta-t-il en fourrant les bâtons et trognons de pomme dans un coin de la pièce. Je poussai un soupir.

"-Bon... Je vais aller faire du thé. T'en veux?
- Euh, c'est quand même toi l'invitée...
- Mais tu ne sais pas faire de thé, si??
- ... Non.."

Je penchai la tête d'un air entendu avant de me diriger vers la cuisine. Je sortis le paquet de thé du placard, les sachets, la théière, et mis de l'eau à chauffer. J'avais enchaîné ces actions sans même y penser, par réflexe. Chose que je faisais toujours après être rentrée de mission.
Mais demain, dés que l'averse sera finie, je devrais rentrer. Partir... A cette dernière pensée, je sentis mon ventre se tordre. je rentrai les épaules, et sentis des larmes couler sur mes joues... Je ne veux pas partir, jamais... Cela provoquait comme un sentiment de panique en moi. Pourquoi?
J'essuyai mes larmes en éteignant le gaz, puis, en silence toujours, je disposai le thé dans le sachet avant de laisser infuser dans la théière. D'une voix neutre, j'annonçai à la cantonnade :

"-C'est bientôt prêt!
- Viens t'asseoir alors. Il y une éternité que je n'ai pas discuté tranquillement avec toi."

Bizarrement, je frissonnai avant de venir docilement m'asseoir. J'esquissai un sourire doux avant de dire :

"-Toi d'abord."

Il fut surpris, même intéressé. Je levai un sourcil interrogateur devant cette mine que je lui voyais si peu souvent. Il esquissa un grand sourire, dans lequel je percevais, à ma grande gêne, de la tendresse, avant de rétorquer doucement:

"-Tu as changé, Lily-chan." Je rougis nettement avant de répliquer faiblement, un peu agacée :
"-Co...Comment ça?
- Avant, tu étais fermée, taciturne, froide, tu semblais sans état d'âme et sans sentiments. Même si c'était complètement faux...

J'eus un pincement au coeur à ce premier constat, de tristesse d'abord puis de reconnaissance. Il continua, cette fois-ci la tendresse était on ne peut plus présente sur son visage :

... Aujourd'hui, tu mets ton coeur à découvert, tu montres ce que tu es au fond : douce, gentille, bienveillante, sensible. "

Je sentis tous les muscles de ma nuque et de mes épaules se contracter. J'étais flattée de sa vision de moi, mais triste à l'idée du fait qu'elle était fausse. Ma bouche s'ouvrit malgré moi, je baissai la tête :

"- Je... Ne suis comme ça qu'avec toi. A la guilde, je suis... Comme avant.
- Je sais, je l'ai vu, mais c'est déjà un début."

Son sourire plein d'affection et de bonheur me faisait réellement craquer, tant et si bien que je ne voulais absolument pas le décevoir. Minute... Me faire craquer?? Et si...
... En tout cas... Il a bien dit "c'est déjà un début", il a donc conscience d'être quelqu'un de spécial à mes yeux. Mais sait-il ce que je viens d'apprendre? J'étais écarlate, et murmurai faiblement :
"-Je... Le thé doit être prêt, je vais le servir."
Je me levai un poil trop brusquement, il le remarqua et m'emboîta le pas dans la cuisine. Pendant que je servais le thé dans les deux tasses, je le sentis me dévisager d'un air inquiet. Je sentis soudain le contact de sa main fraîche sur mon front avant de l'entendre dire d'un air visiblement très inquiet :

"-Lily-chan, tu es brûlante! Tu as attrapé un rhume lors de l'averse de tout à l'heure???"

Pas faux, je réfléchissai tellement que mon cerveau chauffait comme un vieil ordinateur. Je me sentis basculer en arrière, lorsqu'un bras puissant me prit en-dessous des genoux, l'autre me soutenant le dos. J'entendis un grognement lointain :

"-Mince... Les médicaments... J'ai ce qu'il faut au moins???"

J'atterris sur un lit moelleux, que je reconnus après deux ans de bons et loyaux services, une couette se jeta littéralement sur moi, laissant à peine à découvert mes yeux embués, qui perçurent à travers le brouillard le visage soucieux de Misto-kun. Il partit soudain, revenant quelques dizaines de secondes plus tard avec un linge mouillé, qu'il posa délicatement sur mon front. Ca faisait du bien...

"-Maintenant, repose-toi..."

Pas besoin de sort de sommeil, ni même de me le dire une deuxième fois. Je sentis l'ombre des doigts fins de Misto-kun passer sur mes paupières, et m'endormis.

Saletés de piafs qui piaillent... J'avais perdu l'habitude de ce tintamarre dés le matin. Tiens, ma chambre... Ma chambre??? Qu'est-ce que je fiche là??? Ah oui, Misto-kun! Je suis tombée malade... Pourquoi d'ailleurs? Je remonte la mémoire... Et réalise. Mince.
Je... Suis amoureuse de Misto-kun. Depuis longtemps, en plus. Mince alors. En même temps... C'est pas étonnant. Je veux dire, il est beau, gentil, attentionné... Et lui alors? Que pense-t-il de son côté? Rien de plus que de l'affection, sûrement... Ce n'est pas plus mal, je suis déjà aux côtés de celui que j'aime... Mais pas pour longtemps. A voir le beau temps qu'il fait dehors... Plongée dans mes pensées, je n'avais pas remarqué la respiration régulière et paisible à côté de moi. Il était sur un siège, et dormait. Il avait veillé sur moi toute la nuit? ... Finalement... Je m'assis en tailleur sur mon lit, et me tournai vers lui. Qu'il était beau... Et que j'étais niaise. Enfin, je suppose que ce sont les désagréments de l'amour. Bien que ça m'intimidait encore un peu. Je m'approchai de lui. J'avais bien envie de rapprocher mes lèvres des siennes mais m'abstins. Et s'il se réveillait? Après tout, il s'était occupé de moi... Et le petit-déjeuner, je l'aurais fait de toute façon. Je me levai donc et mis à toaster les tranches de pain, pressai les oranges coupées en deux et refis du thé. J'entendis tout d'un coup des pas précipités :
"-Lily-san? Lily-san!
- T'es réveillé? Pas trop tôt."
Il se entra dans la cuisine, apparemment soulagé de ma présence. Je repris mon air un peu grognon habituel :
"- Mets la table s'il te plaît, les tartines vont cramer si ça continue..." tout en préparant mon habituelle compote de pommes. Il esquissa un sourire.
"- Quoi?
- Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu de vrai petit-déjeuner. Décidemment, ta présence manque. Tu vas mieux?
- Parfaitement remise, merci." bredouillais-je en rougissant, chose qu'il ne vit pas vu que j'étais de dos. Je ne vis pas non plus (Horita me le souffla par la suite) Misto-kun rougir quelque peu.

Nous prîmes donc tranquillement le petit-déjeuner, racontant nos missions passées respectives. A partir d'aujourd'hui, je pourrai faire des missions avec lui. Remplie de joie par cette nouvelle, je pris le chemin du retour un peu plus tard, la tête reposée, les idées enfin en ordre. Bonne nouvelle.