De retour... [Pv - Shi Rin]

Depuis ce matin, j'étais particulièrement de bonne humeur, ce qui avait beaucoup étonné Mirajane et les autres mages présents à Fairy Tail. C'était la meilleure journée que j'avais eu depuis des années. Kufufu~. Pourquoi Son Altesse Glaciale Sérénissime est-elle aussi heureuse ? Pourquoi chantonne-t-elle ses chansons préférées, elle qui est d'habitude si impassible ? Pourquoi se comporte-t-elle presque gentiment avec les abrutis qui viennent la faire chier ? Et surtout, pourquoi imite-t-elle le rire de Rokudo Mukuro ? Mais c'est très simple. Parce que ce même Rokudo Mukuro l'a contactée le matin même. Pour lui annoncer que Oyana will go back home ! Yeah ! Pour tout vous dire, je n'ai même pas hurlé sur Kaaya qui avait – pour changer – renversé mon verre en atterrissant sur le comptoir.

Mais je dois avouer que je suis un peu refroidie, maintenant. Mukuro m'avait pourtant dit qu'Oyana avait fait de remarquables progrès... Bah n'empêche qu'elle a trouvé le moyen de se perdre à un kilomètre de Magnolia, avec une carte à la main, et depuis cinq ou six heures que je la suis, elle ne m'a toujours pas remarquée. Je suis franchement déçue.

Puis, subitement, elle s'arrêta. Je hausse un sourcil surpris. Elle avait l'air triste et fatiguée. Qu'est-ce qui lui arrive ? Puis elle secoua violemment la tête, et se remit en marche. J'eus alors une idée. Je n'avais aucune mauvaise intention à son égard. Peut-être que si je l'approchais avec l'intention de la tuer, elle remarquerait enfin ma présence... Je mis immédiatement mon idée en marche. Une fraction de seconde plus tard, Oyana s'immobilisa à nouveau.

_Euh... Qui est là ?

Comment ça, qui est là ? On ne disait pas « qui est là » à une personne venue vous tuer... Tu parles d'un progrès... Enfin, elle m'aura au moins repérée.

_Hu. Tu m'as enfin remarquée, il était temps, je dois dire.

Ses yeux s'écarquillèrent légèrement. J'eus un petit sourire en coin.

_Shi ?
_Bingo, princesse.

Je sors alors de ma cachette, et m'approche d'elle à petits pas rapides, m'arrêtant à deux mètres d'elle. Je la fixe d'un regard narquois, un sourire un peu condescendant étirant mes lèvres.

_Tu parles d'un progrès, même pas foutue de me repérer alors que ça fait genre cinq heures que je te file...

Elle fronce les sourcils, l'air autoritaire, prête à me faire un reproche.

_Dis-donc, toi ! Six ans qu'on ne s'est pas vues, et c'est comme ça que tu m'accueilles ?
_Te plains pas, j'aurais aussi pu attendre tranquillement à la guilde, et tu aurais pris plusieurs jours à trouver la ville alors qu'elle est à peine derrière cette colline, là...

Elle tourne la tête vers la direction que j'indique, à l'opposé de celle qu'elle prenait. Elle rougit légèrement, puis baisse la tête et marmonne quelque chose d'incompréhensible. J'eus un petit rire en reconnaissant cette moue boudeuse qu'elle affichait régulièrement il y a encore six ans.

_Bref. On rentre ?

Elle relève la tête, le regard désapprobateur, mais un sourire ravi remplaça bien vite son air de reproches.

_Oui ! J'ai froid et surtout, j'ai sommeil !
_Petite nature.

Elle me tire la langue en un geste très enfantin, et courut vers la colline derrière laquelle se trouvait Magnolia.

Oyana et son « amie d’enfance » marchaient côte à côte. Elles auraient bientôt atteint les portes de la ville. La jeune fille aux cheveux roses jetait, de temps à autres, de discrets coups d’œil vers Shi. Elle ne reconnaissait pas la fillette de son enfance. Ce qui la frappait le plus était sa chevelure, qu’elle avait laissé pousser jusqu’à ce qu’elle atteigne presque ses chevilles. Jamais elle n’aurait fait cela, auparavant. Puis, son teint pâle. Sa peau n’avait pas cet aspect fantomatique, avant. Et puis, son expression… Si Shi avait sourit maintes fois lorsqu’elles s’étaient retrouvées, elle arborait à présent un masque impassible. Oyana fronça les sourcils. Lorsqu’ils étaient encore des enfants, Shi avait continuellement l’air ennuyé, comme si tout lui paraissait inutile. Rares étaient les fois où elle n’exprimait pas ses émotions – la plupart du temps, le résultat était très explosif, d’ailleurs.

_Hm ? Un problème, princesse ?
_Non. Je me disais que tu avais changé.
_Ah, ça te va bien, ce genre de répliques cliché ! Tu en doutais ? Six ans ont passé.

La plus jeune se renfrogna, et détourna le regard. Elle se perdit vite dans la contemplation de la ville endormie. Shi n’était pas la seule à avoir changé. Magnolia aussi, n’était plus la même. Les maisons étaient différentes, les enseignes portaient de nouveaux noms, et même certaines rues avaient été ajoutées ou condamnées. Elle allait devoir s’y faire.

_Et les autres ?
_Quoi, les autres ?
_Bah… Qu’est-ce qu’ils sont devenus ?
_Tu parles comme une vieille qui serait revenue à sa ville trente ou quarante ans après.
_M’en fous, juste raconte !
_Ah, quel caractère, ma chère…
_Tu peux parler.
_Hm.
_Lya est toujours là ?
_Elle est morte.

Oyana s’arrêta.

_Ah.

La mage impassible s’arrêta à son tour, et vrilla son regard dans celui de son ancienne amie.

_Je l’ai tuée.
_Je sais. C’est ce qu’elle disait.

La rosée avait cet air résigné qu’elle arborait parfois, lorsqu’elle apprenait une nouvelle comme celle-ci. Oyana n’était pas du genre à combattre le destin. Elle acceptait, et se contentait de souffrir jusqu’à ce que la peine s’atténue. Mais cette fois-ci, elle ne ressentit pas le poids d’une souffrance violente et brusque, comme toutes les fois où elle perdit un être cher. Elle avait déjà fait le deuil de son amie Lya, et ce depuis longtemps. Six ans, à vrai dire. Elle savait que cela se finirait ainsi. Tout le monde le savait.

Oyana laissa ses lèvres s’étirer en un sourire vide. Comme ces sourires que l’on esquissait lorsqu’on veut faire croire que tout va bien. Shi se détourna et reprit sa marche. La rosée la suivit.

_Ikuto n’est pas encore revenu. J’enverrais un message à Bianchi, je suis sûre qu’Ikuto sera ravi d’apprendre que tu as fini ton apprentissage avant lui.
_J’en suis convaincue. J’ai hâte de voir les progrès qu’aura fait la grenouille.
_Moi aussi. Sinon, les autres vont bien. Natsu, Gray et Erza ont formé une équipe avec une nouvelle, Lucy. Je te la présenterais. Ou non, ce sera Mira qui le fera.
_Tu n’aimes pas cette Lucy ?
_Trop blonde, trop conne, trop faible, trop amie avec Natsu et compagnie.
_Je vois… Et Mira ? Elfman ? Lisianna ?
_Ah, ouais… Mira va super bien, elle a perdu ses pouvoirs, et son style punky en même temps. Elfman est toujours aussi macho, et avec le sourire s’il vous plait. Lisianna est morte.
_Vraiment ? Ça a du être dur pour Mira et Elfman…
_Ouais, mais toi t’es tranquille, hein, spèce d’insensible ?
_Beuh ! J’la connaissais à peine !
_Nan, mais t’as raison, on s’en fout de la mini-cruche.
_T’es cruelle.
_Merci.

Les deux mages continuèrent leur conversation, jusqu’à ce qu’elles arrivèrent devant la guilde. À cette heure-ci, il n’y avait plus que Mira. Lorsque Oyana ouvrit les portes de la guilde, nouvellement reconstruite, Mira releva la tête et s’apprêta à saluer Shi, qui, elle le savait, était la seule à être capable d’arriver à cette heure. Ses salutations – et réprimandes [« Shi ! Pourquoi n’es-tu pas encore couchée ?! »] – s’envolèrent lorsqu’elle posa les yeux sur la petite adolescente aux cheveux roses, qui lui adressait un grand sourire. La mage aux cheveux d’argent se précipita sur Oyana, en criant presque un « Tu m’as manqué ! ». De son côté, Shi faisait visiblement de gros efforts pour ne pas vomir.